Les croisières au temps de l’urgence climatique

28 octobre 2019 – Les ports européens en ont assez des navires de croisière, ces villes flottantes qui crachent des tonnes de gaz à effet de serre – et des flots de touristes dans leurs centres historiques déjà bondés, dénaturés, disneyifiés.

À Venise, on interdira aux navires de s’amarrer au cœur de la cité. À Palma de Majorque, des milliers de citoyens ont signé une pétition pour limiter le nombre de paquebots qui mouillent chaque jour dans les eaux du port.

La grogne est telle que, début août, le port de Venise a lancé un appel aux autres ports d’Europe: il est temps pour eux d’unir leurs forces contre la menace que représentent ces géants des mers.

« L’augmentation de la taille des bateaux, leur impact environnemental sur les zones portuaires et le fardeau provoqué par le nombre croissant de touristes créent une situation de conflit », ont écrit les autorités portuaires vénitiennes à celles de huit autres villes.

À peu près au même moment, le Port de Québec levait la première pelletée de terre d’un nouveau terminal de croisière, qui permettra d’accueillir dès l’an prochain des navires titanesques de plus de 4000 passagers.

Il faut dire que le port ne fournit plus.

Depuis une décennie, le nombre de croisières a explosé à Québec. Seulement l’an dernier, 230 000 croisiéristes se sont faufilés entre ses vieux remparts, un record.

Et ce n’est pas près de s’arrêter. Le Port, la Ville et l’Office de tourisme de Québec ont pour objectif d’attirer pas moins de 400 000 croisiéristes par an d’ici 2025.

Ça veut dire plus de touristes posant pour l’égoportrait d’usage devant le Château Frontenac, même si le Port promet d’adapter les horaires des navires et d’imposer une limite de 15 000 croisiéristes par jour afin de ne pas « miner l’expérience client ».

Ça veut dire aussi plus de boutiques de tasses, t-shirts et autres babioles. Moins de services de proximité. Plus de gens massés dans le Petit Champlain, qui montre déjà des signes évidents de saturation touristique.

Et ça veut dire plus de pollution.

Chaque navire de croisière émet en moyenne de 5 à 8 tonnes de gaz à effet de serre au cours de son escale au port de Québec. C’est énorme.

En Europe, l’ONG Transport & Environment a calculé que les bateaux de Carnival Corporation, un important acteur de l’industrie, émettaient 10 fois plus d’oxyde de soufre que les 260 millions de voitures du continent, réunies !

Remarquez, les retombées non plus ne sont pas négligeables. À Québec seulement, l’industrie génère 106 millions de dollars, selon une récente estimation.

Si les citoyens de la capitale voient plus d’avantages que d’inconvénients à la construction d’un second terminal, tant mieux. Après tout, le Port a sûrement pris soin de les consulter avant de lancer un tel projet, question de bien peser le pour et le contre en ces temps d’urgence climatique.

Non ?

Eh bien, non. Pas vraiment. Oh, il y a bien eu des consultations publiques ; elles se sont terminées le 26 septembre. Les citoyens ont eu un mois entier pour se faire entendre sur le projet de futur terminal de croisière.

Sauf que, comme l’a fait remarquer Le Soleil, le contrat est signé, la date de livraison a été fixée… même que l’ouvrage est en chantier depuis le milieu de l’été !

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Source: Article d’Isabelle Hachey pour La presse.