[Outer Banks]: le pays des phares géants

Franck Laboue
L’aventurier épicurien
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À l’évocation de la Caroline du Nord, presque aucune image n’émerge dans notre inconscient. C’est la quasi-intégralité de la façade atlantique américaine, entre la Virginie et la Floride, qui est un mystère pour la plupart des voyageurs. Dans ce petit état du « Sud » se cache une bande de sable de plus de 300 km à l’allure paradisiaque. Les Outer Banks sont un secret bien gardé, un archipel aux multiples légendes qui réserve bien des surprises aux vacanciers de passage. Saupoudrée de phares gigantesques et parcourue de bancs de sable infinis, la région est la promesse d’une évasion marine unique. La côte de Caroline du Nord est appréciée des touristes américains, c’est le paradis de la pêche et des sports de voile. À mi-chemin des plages bondées de Floride et du Maine, les côtes de la Caroline-du-Nord ressemblent à un petit paradis caché. L’étroite bande de sable de l’archipel possède un caractère unique, l’un de ces endroits isolés et magiques qui abondent en Amérique. Partir découvrir les Outer Banks, c’est la promesse d’un grand bol d’air, d’une nature préservée et d’une terre de légendes et de pirates. Il est donc temps de prendre la route, direction les « Banks ».

CAPE HATTERAS: DOUCEUR DE VIVRE

Comme n’importe quel petit morceau de paradis terrestre, les Outer Banks ont quelque chose d’inaccessible, un air de bout du monde. En atterrissant à Raleigh, c’est un peu plus de deux heures de route qui m’attendent. Plus je me rapproche de l’océan, plus la route semble se rétrécir. L’horizon se couvre de forêts de pins; ça et là je croise quelques stations d’essence isolées. Les imposants camions aux chromes brillants sous le soleil complètent le portrait de ce petit road-trip vers la côte. Un air d’Amérique profonde se dégage. Un petit pont me fait traverser une sorte de mer intérieure, les bayous qui la compose brillent au soleil rasant de la fin du jour. C’est à Kill Devil Hills que je m’installe. Faisant office de capitale touristique locale, ce petit village est le rendez-vous des familles de la région en quête de vacances. Je vais vite me rendre compte que hormis le tohu-bohu des «  Mini-putt » de cet endroit, le reste de l’archipel est pratiquement vide. Je suis un peu impatient de pouvoir prendre la route, arpenter cette contrée qui me faisait tant rêver.

Les Outer Banks sont une vaste chaîne d’îles-barrières de sable, un barrage naturel aux eaux peu profondes. L’ambiance du lieu me fait instantanément penser à l’archipel des Keys avec ses ponts reliant les îles. Ici, il y a bien quelques ponts, mais surtout des îles d’une infinie longueur qui s’étalent, parfois de la taille d’une grande dune. Au volant, je ne peux m’empêcher d’insérer le CD de James Taylor, l’artiste a grandi en Caroline du Nord. Ses sonorités folks acoustiques sont le plus parfait des compagnons de route. Comme si « Carolina on my mind » semblait avoir été composée pour ce paysage. L’endroit est préservé, la nature omniprésente: c’est un havre de paix. Dès les premiers kilomètres, j’ai l’impression d’être seul au monde. Derrière les vastes dunes, le vent souffle fort, au grand bonheur des amateurs de Kite-surf et cerfs-volants qui abondent dans la région. Ici, les frères Wright firent envoler le premier avion dans les airs. Impossible de ne pas vouloir s’arrêter. Sur les immenses plages du Cape Hatteras, je ne trouve personne, quelques cerfs-volants forment des petits points de couleur dans le lointain. Derrière moi, les herbes hautes des dunes sont fouettées par le vent. Leur teinte jaune-vert se fond presque avec le grain du sable. Les vagues s’écrasent avec fracas, un vent doux caresse mon visage. L’eau est incroyablement chaude, et l’impression de se retrouver en Floride est renforcée par le ballet majestueux des pélicans qui rasent les vagues.

À L’OMBRE DES PHARES

Phare Cape HatterasLa route continue de m’hypnotiser, elle est un voyage à elle toute seule. C’est un endroit irréel qui s’offre à mon regard. À ma droite, quelques mètres d’herbes grasses, des oiseaux, une eau calme… à ma gauche, des dunes à hauteur de voitures, laissant parfois au conducteur une vue sur le tumulte de l’océan. La beauté du Cape Hatteras, c’est son horizon hérissé de phares. J’ai une fascination pour les phares, ces sentinelles des mers qui s’élancent vers le ciel. Ils me rappellent la Bretagne. Au centre de l’île, je rencontre le fameux phare de Cape Hatteras. Construit en 1870, son cône en spirale noir et blanc culmine à 62 mètres de hauteur. L’escalier de métal se contorsionne, 257 marches plus tard, j’arrive au sommet. J’y admire les immenses étendues sablonneuses à perte de vue. L’histoire des Outer Banks est indissociable de ses hauts fonds sableux, tellement traîtres que la région est surnommée « Le Cimetière de l’Atlantique ». Les hauts fonds, couplés aux tempêtes légendaires, font de ce morceau de côte un véritable tombeau: c’est près de 600 épaves qui reposent dans ces eaux. Pas étonnant de retrouver des phares aussi imposants. Tout récemment un U-boat allemand de la Seconde Guerre mondiale a même été retrouvé, ces sous-marins infestaient la région pour y couler les cargos américains.

RODANTHE: GRANDES DAMES SUR PILOTIS

Je tombe presque instantanément en amour avec l’architecture locale. Les maisons faites de bardeaux de bois montées sur pilotis sont majestueuses. Elles sont faites pour faire face aux tempêtes saisonnières. À Rodanthe, je ne voulais manquer sous aucun prétexte la vue de ces grandes dames en bardeaux, elles semblent comme mangées par l’océan. En arrivant sur la plage, le spectacle est total. La vision de ces vaisseaux de bois sur pilotis, presque avalés par le sable, est un véritable spectacle. Un panorama d’un autre siècle. Ces maisons semblent presque vivantes, leur allure quasi hitchcockienne me fait penser au motel « Bate » dans Psychose. Lugubres. Presque dévorées par la mer, ces structures sont réellement indissociables du patrimoine visuel des Outer Banks. À leurs côtés, les petites maisons de vacances à louer se succèdent, parées de couleurs pastels rappelant la Floride. C’est une invitation au repos, je me verrais bien sur leur patio le temps d’une semaine, afin d’apprécier cette vue magistrale en me réveillant tous les matins. Une autre fois, en famille?

OCRACOKE: TERRE DE PIRATES

Au bout de la route, le voyage se poursuit. C’est un petit traversier gratuit qui m’emmène sur la petite île d’Ocracoke. Pendant le trajet de 40 minutes en ferry, j’observe les grappes d’oiseaux qui se réunissent sur les hauts bancs de sable émergeant de l’océan. Une seule route coupe cette île minuscule en deux jusqu’au village principal. J’ai l’impression d’être au bout du monde. La mince bande d’asphalte est cachée par l’ombre d’une dune immense. Une fois gravie, celle-ci nous offre le loisir de toucher la mer et d’apprécier les plages quasi désertes des Outer Banks.

Port d'Ocracoke C’est une constante: l’océan est toujours accessible, peu importe où l’on se trouve. Difficile de s’en priver. J’arrive au petit village d‘Ocracoke. De superbes maisons de bois jalonnent la rue principale, les gazons sont impeccables, il y fait bon vivre. Quelques restaurants de fruits de mer sont installés sur le petit port de pêche. Au son des mouettes, j’apprécie le paysage le temps d’un dîner. En observant le petit cône blanc du phare d’Ocracoke, je fantasme sur la légende du pirate « Barbe Noire ». Le terrifiant Edward Teach, dit Barbe noire, représente à lui tout seul l’épopée des forbans et écumeurs des mers du 18ème siècle. Entre 1716 et 1718 et il terrorisa la Caroline du Nord et fit d’Ocracoke son repère. Fascinante épopée d’un personnage hors norme. La Royal Navy, excédée, envoya un équipage à sa rencontre. Le 22 novembre 1718 eut lieu la bataille de l’île d’Ocracoke. Barbe Noire y fut terrassé, fin d’un mythe, début d’une légende éternelle. Tout en méditant sur cette légende, mon regard suit l’astre solaire se cachant derrière les mats des bateaux. Il est déjà temps de reprendre le ferry. Les Outer Banks et leurs légendes venaient tout juste de m’envouter. Je me fais alors une promesse: y retourner le plus vite possible.

VERDICT DU CHRONIQUEUR

Les Outer Banks sont l’une des plus belles régions côtières d’Amérique. Rien que ça. Sur ses dunes, plane le mythe des frères Wright et la légende de barbe noire. Sous ses eaux se cachent les fantômes des navires échoués. Sur ses côtes se dressent les plus imposants des phares du continent. Un panorama inoubliable. Les Outer Banks représentent le charme discret de la côte Atlantique. Ici, tout est une invitation au repos, le vent souffle sans répit sur le sable, les oiseaux piaillent dans les herbes hautes, les cerfs-volants illuminent le ciel. À l’ombre d’une maison en bardeaux de bois, je me dis que cette région est un petit morceau de paradis. Charme d’une Amérique si majestueuse et discrète à la fois.

À VOIR, À LIRE, À ÉCOUTER

Carolina on my mind (James Taylor – 1968) – L’une des plus belles compositions du talentueux James Taylor. Un air folk à la gloire de la Caroline du Nord.

Nos nuits à Rodanthe (George C.Wolfe – 2008) – Petit film romantique mettant en scène le beau Richard Gere et les plages majestueuses de Rodanthe. Pour les images!

Barbe Noire et le négrier la Concorde (Jacques Ducoin – 2010) – Livre historique de référence pour en connaître un peu plus sur le mythe du pirate le plus célèbre de l’histoire.