[AÉRIEN] Covid19 et voyages: un beau bordel juridique expliqué par une avocate de VolEnRetard.ca

2 avril 2020 – L’industrie du voyage fait face à une crise sans précédant. Le caractère inédit de la situation laisse un floue artistique sur les procédures et les droits des voyageurs.

Bien que le crédit voyage soit à la mode ces derniers temps, c’est surtout une situation de sauvetage pour les entreprises afin de conserver de la trésorerie. Le voyageur se sent pris en otage, de même que l’agent de voyages qui subit les directives et les impose à ses clients mécontents. Un climat d’incertitude règne. Chaque jour évolue, de nouvelles politiques d’indemnisation ou de flexibilité voient le jour.

Soyons conscients que les fournisseurs et les compagnies aériennes sont eux-mêmes dans le floue et tentent à la fois d’accommoder les agents, les clients, mais aussi de sauver l’entreprise et ses employés en conservant un semblant de stabilité financière.

C’est justement l’instabilité et l’incertitude qui poussent les voyageurs à exiger le remboursement. Malgré les efforts des compagnies internationales oeuvrant dans l’industrie du voyage, certaines feront peut-être faillite. Nous ne pouvons pas à ce jour écarter cette possibilité, même si ce scénario semble peu probable pour nos principales compagnies locales, du moins pour l’aérien.

Sunwing par exemple a modifié plusieurs fois ses conditions d’annulation, passant du remboursement au crédit voyage. Une situation jugée intolérable par les conseillers en voyages et surtout difficile à assumer auprès des clients. Encore une fois, tenons compte que les politques doivent évoluer et s’adapter. La réactivité est la clé en cas de crise. Il est donc difficile de blâmer une entreprise pour des changements fréquents dans le contexte actuel.

vols en retards indemnisation

Dans ce contexte, on peut se demander ce qu’une compagnie aérienne a vraiment le droit de faire ? Que dit la loi? Nous avons posé ces questions à l’avocate Ariël Roy, de Vol En Retard, spécialiste de l’indemnisation des voyageurs et qui collabore avec les agences de voyages. 

Maître Roy souhaite mettre en garde sur le caractère exceptionnel de la situation. 

“Puisque la situation d’urgence sanitaire actuelle en raison du Covid-19 est une situation exceptionnelle encore jamais vécue, Vol en retard tient à souligner que les commentaires ci-dessous ne sont pas des conseils juridiques, et  qu’avec l’évolution de ses recherches et de la situation, certains commentaires présentés dans l’articles pourraient être modifiés. La position de Vol en retard et les informations qui sont contenues dans cet article sont donc émis “sous toutes réserves » et ne remplacent en aucun cas une consultation juridique personnalisée avec un avocat.” précise Maître Roy.

ENTREVUE

1. L’OTC a déclaré qu’elle autorisait les compagnies aériennes à remettre des crédits voyage plutôt que des remboursements, est-ce que cela signifie qu’on ne pourra plus exiger un remboursement?

Pas nécessairement. En fait, il y a deux régimes législatifs qui peuvent s’appliquer dans ces cas soit le régime fédéral du droit du transport qui prévoit les obligation des compagnies aériennes et le régime de protection des consommateurs en droit québécois.

Le communiqué de l’OTC s’inscrit dans l’optique du droit fédéral et nous indique que la compagnie aérienne n’a pas l’obligation selon le droit fédéral de rembourser les passagers aériens. Toutefois, le régime provincial québécois qui est lui aussi tout à fait compétent prévoit un droit à un remboursement pour le consommateur qui n’aurait pas reçu le service pour lequel il a payé.

Habituellement les régimes se complètent, mais à ce moment ci puisqu’ils se contredisent il va probablement falloir qu’un juge tranche pour que les clients puissent savoir vraiment à quoi s’en tenir.

2. Est-ce qu’un client peut exiger le remboursement en argent plutôt qu’un crédit voyage? Si oui dans quel cas peut-il le faire ?

Dans le cas de vols annulés par la compagnie aérienne et opérés par des compagnies aériennes européennes ou opérés par tout transporteur, mais au départ de l’Europe, la réglementation européenne s’applique et donc les passagers ont droit à un remboursement complet du transporteur.

Dans le cas de vols annulés par la compagnie aérienne canadienne au départ ou à destination du Québec et ne remplissant pas les critères ci-haut, il y aurait des fondements juridiques pour les clients du Québec pour obtenir un remboursement de la part de la compagnie aérienne. Cette question est à l’étude chez Volenretard.ca qui pourra possiblement selon les conclusions de nos recherches  étudier cas par cas les dossiers des clients qui voudront que Vol en retard les représentent dans une demande de remboursement. D’autre part, il y a une action collective qui a été déposée la semaine dernière demandant le remboursement des portions non utilisées des billets pour les clients de Transat et Air Canada , il faudra que les demandeurs obtiennent une autorisation de la Cour Supérieure. Ce type de procédure prend généralement des années avant d’être réglée.

Dans le cas d’annulation faite par les clients avant que le vol soit annulé par la compagnie aérienne, vraisemblablement, sous toutes réserves, si le passager annule lui-même son vol, ce sont uniquement les politiques d’annulation prévues par le transporteur qui s’appliqueront et celles-ci incluent rarement un remboursement, mais plutôt des changements de dates du voyage, de destinations, ou l’émission de bons rabais équivalents au prix déjà payé. Vous devrez consulter la politique d’annulation ou de changement de date du transporteur pour savoir quelles sont les modalités prévues.

3. Une compagnie aérienne a-t-elle le droit en cas de crise, de modifier ses politiques d’annulation et d’indemnisation aussi souvent et fréquemment? 

À priori, non. Lorsque le passager conclut un contrat avec un commerçant, celui-ci ne peut pas unilatéralement modifier le contrat au détriment du consommateur. Encore une fois, il faudrait creuser la question pour voir comment forcer la compagnie aérienne à respecter le contrat de transport et au final rembourser le passager.

4. Quelles sont les obligations des compagnies aériennes en ce moment envers les passagers ?

  • En vertu du RPPA (Charte des voyageurs) aucune obligations aux transporteurs (voir Guide sur les annulations et retard publié par l’Office des transports du Canada)
  • En vertu du droit québécois de la consommation, vraisemblablement, sous toutes réserves, le remboursement des portions non utilisé du billet.
  • En vertu du droit des contrats québécois, vraisemblablement, sous toutes réserves, le respect des clauses d’annulation prévue au contrat de transport/tarif, qui prévoit habituellement un remboursement (voir les différents tarifs des transporteurs au moment de l’achat du billet).

5. Si une compagnie fait faillite et avait délivré un crédit voyage, quels sont les recours ?

Si le passager a réservé via une agence de voyages, le passager devrait s’adresser au FICAV rembourserait à ce moment-là.

Si le client n’a pas réservé avec un agent de voyage, voir avec sa politique d’assurance annulation/carte de crédit.

6. La charte du voyageur est assouplie pendant cette période. Depuis quelle date il n’est plus possible de faire des demandes d’indemnisation en cas de retard ou annulation ?

Pour les vols ayant eu lieu à partir du 13 mars 2020, les politiques assouplies par l’OTC s’appliquent. Voir la décision prise par l’OTC  : https://otc-cta.gc.ca/fra/decision/a-2020-42. L’exemption reste valide jusqu’au 30 avril 2020, et pourra être prolongée suivant toute autre détermination que l’Office estimera nécessaire.

7. Quelle est la solution d’indemnisation pour les voyageurs qui n’ont pas utilisé leur billet de retour et seront rapatriés par le gouvernement (Ex: les voyageurs bloqués au Maroc)?

Le RPPA ne prévoit aucune indemnité pour les annulations de vols causées par le COVID-19.

Ils pourraient avoir droit au remboursement des portions non utilisées si les vols sont annulés par les compagnies aériennes (voir plus haut).