[Frais de service – Partie 2] “Nous connaissons tous des conseillers qui travaillaient 24 heures sur 24” 

16 février 2021 — Pendant des années, de nombreux agents ont hésité à facturer des frais de service. La période post-Covid semble être le moment décisif pour les détaillants de voyages pour évoluer et mettre en place des frais. C’est ce qu’affirment les dirigeants de l’agence, de la chaîne et du consortium interrogés par notre rédaction.

Cette semaine, dans la deuxième partie de la série sur les frais de service du groupe Travelweek, les questions sont les suivantes : pourquoi les agents n’ont-ils pas facturé de frais de service dans le passé? Et pourquoi le moment est-il venu pour un agent de voyages d’introduire ces frais?

Dans cette série sur les frais de service, nous nous renseignons également auprès d’un agent de voyages qui a mis en place avec succès des frais de service dans son agence. Dans ce numéro, il s’agit d’Ashley Doell, conseillère en voyages chez TPI, basée à Warman, SK.

QUESTION : Pourquoi les agents n’ont-ils pas imposé de frais de service dans le passé? 

La réponse rapide est, bien sûr, la peur. La peur de voir les clients passer leur chemin. La peur de perdre des réservations au profit d’une autre agence. La peur de l’inconnu.

“Certains conseillers ont pu hésiter car ils craignaient de paraître non compétitifs et de perdre une réservation”, explique Christine James, vice-présidente de TL Network Canada.

Ce qui est cocasse c’est que, comme la facturation de frais de service devient la nouvelle norme post-Covid, les agents qui ne facturent pas de frais risquent de perdre des clients. “Les agents qui facturent des frais ont traditionnellement une file d’attente à leur porte parce que les consommateurs constatent la valeur de ce qu’ils font. Les agents doivent montrer leur valeur, sinon les clients risquent de ne pas la voir”, explique Flemming Friisdahl, fondateur de The Travel Agent Next Door (TTAND).

En plus de la peur, il y a aussi un manque de confiance. Mais surtout avec tout ce que les agents ont accompli ces dix derniers mois, et ce n’est pas fini, cela change rapidement. “Beaucoup pensent qu’ils ne valent peut-être pas la peine de payer”, déclare Mike Foster, président de Nexion Travel Group – Canada. Mais “avec l’augmentation du nombre de conseillers qui commencent à facturer des honoraires et la confiance croissante qu’ils en valent vraiment la peine, beaucoup sont non seulement ouverts à l’idée, mais ils la développent”.

Toute personne qui envisage de faire payer des honoraires peut être surprise par les réactions de ses clients. “Les agents qui se concentrent sur le prix comme principal avantage concurrentiel seraient réticents à facturer des frais. Les agents qui ont réalisé qu’ils apportent plus que le prix et qui sont capables de communiquer cette valeur à leurs clients ont rarement eu des problèmes pour facturer des frais“, déclare le directeur général de Flight Centre, Lee Zanello.

Stephen Smith, vice-président senior de Direct Travel, responsable du marketing des loisirs pour l’Amérique du Nord, explique que le changement d’attitude vis-à-vis des frais de service suit l’évolution du secteur du voyage au détail lui-même, c’est-à-dire ce que les agents vendent et comment ils le vendent. “Le modèle commercial a évolué pendant de nombreuses années où la vente de billets d’avion était plus répandue que le cœur de notre activité actuelle, qui consiste à créer des vacances sur mesure”, explique M. Smith. “Cependant, de nombreux conseillers en voyages n’ont pas fait évoluer leur modèle financier en conséquence. Nous ne les blâmons pas. Il peut être effrayant de modifier sa façon de travailler. Mais nous pensons que les honoraires permettent en fait au conseiller de créer une meilleure expérience d’achat et une meilleure proposition de valeur pour le client“.

M. Foster de Nexion affirme qu’il constate une plus grande volonté de facturer des honoraires parmi les nouveaux agents qui arrivent dans le secteur. “L’observation de quelqu’un qui travaille dans le secteur depuis plus de 40 ans est que nous, les vétérans, devons désapprendre nos vieilles habitudes et façons de faire des affaires, mais la nouvelle génération de conseillers n’a pas ce passé et semble beaucoup plus à l’aise avec l’utilisation des honoraires pour atteindre ses objectifs”, dit-il.

QUESTION : Pourquoi est-ce le moment idéal pour introduire des frais de service?

En un mot : la Covid. Les agents ont toujours été une ressource inestimable pour leurs clients. Mais les dix derniers mois et plus ont montré au monde entier à quel point les agents de voyages sont vraiment indispensables.

“La Covid a fait apparaître un niveau de service à la clientèle entièrement nouveau dans le processus de remboursement, en gérant les annulations, et même en aidant les clients à rentrer chez eux où qu’ils soient dans le monde lorsque le confinement a commencé et que les frontières ont été fermées”, déclare M. Smith de Direct Travel.

L’importance d’avoir un agent sur place était évidente, non seulement pour planifier le voyage, “mais aussi pour être là lorsque les choses ne se passent pas comme prévu“, dit Zanello de l’IFC.

M. Foster ajoute : “Les bouleversements sans précédent que connaît notre secteur me semblent être une ligne de démarcation entre l'”ancienne” et la “nouvelle” façon de vendre des voyages. Le voyageur n’a jamais autant apprécié la valeur d’un conseiller, et nos partenaires fournisseurs non plus”.

Il ne s’agit pas seulement de mettre en place des frais de service, mais d’expliquer la raison de ces frais. “Si les agents de voyages se sentaient à l’aise de dire à leurs clients pourquoi ils facturent des frais, alors beaucoup plus de clients comprendraient mieux pourquoi ils sont facturés”, déclare M. Friisdahl de TTAND.

De nombreuses agences et consortiums auxquels nous avons parlé pour cette série ont déclaré qu’ils donnaient la priorité au soutien des frais de service pour leurs membres en 2021. “Nous travaillions sur le développement de la formation [aux frais de service] avant même le début de la pandémie”, explique Louise Fecteau, directrice générale de TDC. “Bien que nous ayons temporairement mis ce projet en attente, les dernières semaines nous ont permis de mettre la touche finale à ce projet. Un tout nouveau cours de formation consacré aux honoraires professionnels sera lancé dans les semaines à venir et nous savons que nos franchisés l’attendent avec impatience”.

TPI développe également un soutien accru aux agents pour les frais de service en 2021. La présidente et directrice générale de TPI, Zeina Gedeon, estime qu’il est important de facturer des frais de service même s’il y a aussi des commissions. “Les commissions vous dédommagent pour la transaction, tandis que les frais vous dédommagent pour vos connaissances, vos recherches et votre expertise“, dit-elle.

Et tout agent qui a encore des doutes n’a qu’à penser aux dix derniers mois, explique Ian Elliott, vice-président des ventes et du développement de la vente au détail chez TravelOnly. “Nous connaissons tous des conseillers qui travaillaient littéralement 24 heures sur 24 pour essayer de ramener les clients chez eux [au début de la pandémie]. Je ne sais pas si le grand public a vraiment compris ou apprécié le temps non facturable consacré à chaque dossier, mais j’espère que les agents utiliseront la Covid pour se rappeler pourquoi il est si important de travailler avec un conseiller en voyages”.

C’est le moment, ajoute Elliott. “Cela a été long à venir, mais cette pandémie devrait être le tremplin que les conseillers utilisent pour justifier la raison de leurs frais de service”.

UN EXEMPLE DE RÉUSSITE

Ashley Doell

Conseillère en voyages

TPI

Warman, SK

CONTEXTE : “Je suis agent à domicile depuis 6 ans, dont 4,5 à plein temps. J’ai commencé avec une autre agence au départ et j’ai déménagé au TPI en mars 2019. J’ai décidé de m’engager pleinement à facturer des frais de service en mai 2020, et j’ai pris le temps de tout planifier avant d’en faire part à mes clients en septembre. J’ai moi-même (comme beaucoup d’autres) été très lente à faire de nouvelles réservations au cours des dix derniers mois, je n’ai donc eu que quelques occasions de facturer mes honoraires entre septembre et janvier, mais jusqu’à présent tout se passe très bien et j’ai réussi à générer des revenus supplémentaires sur les quelques réservations que j’ai faites”.

JUSTIFICATION : “Une fois que j’ai compris que je serais sans travail pendant des mois (ou des années), et que certaines des premières nouvelles réservations que j’aurais une fois que j’aurais repris le voyage seraient des bons de voyage qui ne seraient pas assortis d’une commission, j’ai su que je devais restructurer mon entreprise. Cela devait être fait de manière à ce qu’elle soit rentable et mutuellement bénéfique pour moi et mes clients. Je me suis demandée si j’étais prête à travailler gratuitement et la réponse a été un “non” catégorique. Je savais que j’avais besoin de changer. Au cours des six dernières années, la partie la plus frustrante de ce travail a toujours été le temps considérable consacré à accueillir des clients, faire des devis, répondre à leurs questions, puis les voir soit ne pas réserver, soit réserver ailleurs. J’ai décidé que si un client ne voyait pas ma valeur après le rôle que j’ai pris en mars 2020, il ne m’apprécierait jamais – et je n’aurais plus besoin de l’avoir comme client”.

STRUCTURE DES HONORAIRES : “J’ai décidé de commencer modestement afin de faciliter l’intégration de mes clients dans cette nouvelle structure, et d’ajuster éventuellement la structure des honoraires par la suite si nécessaire. Mon raisonnement était qu’il valait mieux commencer quelque part que nulle part. J’ai examiné les produits de voyage que j’ai le plus vendus et j’ai créé des montants de frais que je serais heureuse de recevoir sur chaque produit, même si je n’ai jamais touché de commission sur la vente. La Covid a modifié ma façon de penser que les commissions devaient être considérées comme des “bonus” et non comme la base. Les revenus ne doivent pas être le fruit du hasard.

J’ai mis en place le système de telle sorte que je gagnerais toujours de l’argent pour tout travail effectué. Je n’aurais plus besoin de travailler gratuitement. J’ai laissé une certaine marge de manœuvre en ne fixant pas de tarif exact pour les itinéraires “sur mesure” – ainsi, si quelque chose semblait devoir prendre plus de temps, je pouvais l’inscrire dans cette catégorie et demander plus que les autres tarifs standards”.

RETOUR DES CLIENTS : “J’ai fait des études de marché par le biais de sondages après avoir lancé les détails publiquement et il y a eu un soutien écrasant (94% l’ont entièrement soutenu). Par la suite, une personne m’a envoyé un message pour me faire savoir que si elle voyageait, ces frais pourraient la pousser à réserver elle-même. J’ai consulté leur dossier et j’ai proposé des voyages 7 fois et plus en 5 ans, une seule proposition s’étant transformée en réservation, et la commission était très faible. Les honoraires semblaient faire leur travail – en éliminant les clients pour lesquels j’avais tendance à faire le plus de travail et à être le moins payé! Les clients avec lesquels je traitais le mieux (ainsi que ceux qui m’apportaient les commissions les plus élevées) ont fait tout leur possible pour me dire à quel point ils trouvaient ma structure d’honoraires excellente et que je valais chaque centime.

“Comme tout le monde se pose plus de questions que jamais sur les voyages, je suis très reconnaissante d’avoir fait ce changement à ce moment-là. J’ai déjà gagné beaucoup de temps, car les honoraires obligent le client à se demander s’il veut vraiment voyager ou non. Ils me regardent comme un professionnel qui leur offre un service très précieux – et non comme quelqu’un à qui ils peuvent faire appel pour obtenir des devis et des conseils gratuits à leur guise“.

CONSEILS POUR LES AUTRES AGENTS : “Je comprends à quel point il peut être effrayant de faire n’importe quel changement – sans parler d’un changement d’entreprise à une époque où nous n’avons pratiquement pas de réservations. Mais le temps viendra où cette “pause” prendra fin, et la demande refoulée sera plus importante que jamais. Lorsque vous réfléchissez à cette période, voulez-vous vraiment consacrer une partie de votre temps à travailler gratuitement avec des crédits de voyage ou à répondre à des questions pour des personnes qui n’ont pas encore l’intention de voyager? Comment utiliser au mieux votre temps et travailler sur les dossiers des clients qui vous tiennent le plus à cœur, et qui sont sérieux en matière de réservation? Comment pouvez-vous être le plus rentable et donner le meilleur service à vos meilleurs clients? Je pense personnellement que la réponse à toutes ces questions passe par les honoraires professionnels. Il fut un temps où de nombreux agents ne demandaient pas de frais de service et s’en tenaient aux “normes du secteur”, mais je crois fermement que le temps a passé et que les frais de service doivent être la nouvelle norme à l’avenir”.

Source : Kathryn Folliott pour le groupe Travelweek.
Traduit par Eloïse Petit.