La vie et les défis des femmes dans l’industrie du tourisme et de l’hôtellerie en temps de pandémie : entrevue avec Beata Cieplik, Vice-Présidente Régionale pour IHG

Célébration devenue incontournable, la journée de la femme est aujourd’hui un moment fort de l’année. De nombreuses entreprises notamment dans le secteur du tourisme et du voyage en profitent pour communiquer sur leurs initiatives en matière de diversité au travail. Au-delà de mettre en avant leurs valeurs d’entreprise, c’est aussi l’occasion de mettre en lumière leurs employées d’exception comme l’ont fait par exemple Air Canada ou encore AmaWaterways aujourd’hui.


L’année dernière, notre rédaction vous avait proposé un TOP des femmes les plus inspirantes du domaine du voyage, cette année nous avons élargi notre champ de vision pour s’intéresser à une personnalité du secteur de l’hôtellerie. À l’heure où la quarantaine dans les hôtels pour les voyageurs fait débat, que les hôtels sont (presque) vides, que la vie de famille et de mère continue malgré tout, les femmes restent pourtant nombreuses à tenir la barre dans ce domaine au Québec et au Canada. Nous avons rencontré l’une d’elles, Beata Cieplik, Vice-Présidente Régionale Canada, Marketing Commercial & Revenue Management pour le groupe IHG Hotels & Resorts qui gère un portefeuille de plus de 197 hôtels à travers le Canada sous des bannières différentes dont Holiday Inn, InterContinental et Kimpton.

Cette semaine, nous lui consacrerons plusieurs articles dans lesquels vous découvrirez ses défis et la réalité du secteur. Les hôteliers profitent-ils vraiment de la quarantaine dans les hôtels pour combler leurs pertes financières? Pourquoi facturer 3 jours et ne pas rembourser les voyageurs en cas de la réception des résultats des tests COVID négatifs au bout de 24heures? Considère-t-elle que les agents de voyages représenteront un canal de vente plus important après la crise de la COVID19? Que met-elle en place avec ses équipes pour garder le cap en attendant la miraculeuse nouvelle de réouverture des frontières? Beata Cieplik a accepté de répondre à toutes nos questions sans tabou.

De plus, avant d’être la femme qui gère l’une des crises économiques les plus sérieuses de la décennie pour un groupe hôtelier international de premier rang au Canada, Beata Cieplik est avant tout une professionnelle avec un parcours inspirant et une mère de trois enfants qui ont vu subitement la table de cuisine se transformer en base d’opération!

Dans le premier épisode de cette série, Beata nous parle de la place des femmes dans l’hôtellerie, comment elle-même a trouvé sa place et accommode son quotidien avec son lot de défis.

ÉPISODE 1 : « Je vois de plus en plus de femmes à des postes exécutifs, et c’est phénoménal! »

1. Pouvez-vous nous résumer en quelques mots votre carrière et vos fonctions actuelles?

Je suis polonaise, j’ai fait mes études en Italie puis j’ai complété un bac en gestion hôtelière à l’UQAM avant de m’établir pour de bon au Québec. Depuis que je suis au Québec, j’ai toujours travaillé dans les hôtels. Mon premier emploi était réceptionniste, et aux réservations, comme beaucoup d’étudiants.

Ce qui me donne de l’énergie pour faire ce métier ce sont les gens. J’adore parler, les connexions sociales (ndlr : ce qui n’est pas très populaire en ce moment évidemment!). Quand j’ai commencé ma carrière à l’hôtel De La Montagne à Montréal, j’ai tout de suite aimé ça. Puis, j’ai travaillé à l’hôtel Château Champlain au département des banquets, des ventes, puis j’ai touché à d’autres secteurs dans d’autres hôtels au Québec, comme la comptabilité, le management, etc.

J’ai ensuite intégré il y a 12 ans un groupe de gestion hôtelière. Je supervisais des hôtels indépendants, ainsi que des hôtels Marriott et Hilton basés un peu partout au Québec et aux USA.

Il y a trois ans, j’ai rejoint le groupe IHG, et j’occupe actuellement le poste de Vice-présidente régionale. C’est un poste très complexe car très polyvalent. Pour résumer, avec mon équipe, notre objectif est d’activer la performance de notre portefeuille d’hôtels dont la plupart sont des franchisés.

2. Quelle est la place de la femme dans l’hôtellerie au Québec/Canada? Est-ce difficile d’être une femme dans l’hôtellerie a un poste exécutif?

Oui, il y a beaucoup de femmes dans l’hôtellerie, surtout à des postes d’entrée je dirais. Est-ce qu’il y a beaucoup de femmes dans des postes exécutifs? Je vous dirais que depuis les 5 ans, j’en vois de plus en plus et je trouve cela phénoménal. Il y a une vingtaine d’années, quand j’ai commencé ma carrière, il y avait beaucoup de postes réservés aux hommes. C’était un milieu très conservateur. Maintenant, le monde de l’hôtellerie a changé selon moi. La nouvelle génération permet à notre secteur de se renouveler et de casser certains codes.

3. L’image qu’il est difficile de conjuguer vie de famille et vie professionnelle dans l’hôtellerie ou le tourisme persiste pourtant. Est-ce toujours vrai?

Je me sens très chanceuse de faire le métier que je fais, même en ayant trois enfants. Et ceci est possible grâce à mon mari, à mon père et à mon entourage. Avant la pandémie, mon travail était de voyager du lundi au jeudi. Quand on a des enfants, c’est un compromis que l’on fait de passer moins de temps avec eux. Si je n’avais personne pour m’épauler avec les enfants, je ne pourrais pas me donner autant au travail.

4. Quels conseils pourriez-vous donner aux femmes qui hésitent à développer leur carrière dans le tourisme, l’hôtellerie ou le voyage?

Je vous dirais qu’il faut suivre sa passion. On a une seule vie à vivre, et malheureusement il faut apprendre à faire des compromis, car on ne peut pas tout avoir!

La communication dans la vie personnelle et professionnelle est très importante. Les entreprises, tous domaines confondus, réalisent que la flexibilité dans le travail est essentielle pour conserver les talents et pour vraiment attirer des bonnes personnes. Les talents sont de plus en plus rares et la compétition de plus en plus forte donc cela fait évoluer les pratiques au sein des entreprises. Je me sens chanceuse car IHG appuie depuis plusieurs années la diversité, l’égalité, l’évolution professionnelle non seulement des femmes mais de tous les individus, peu importe la couleur ou le genre. Avoir un équilibre entre le travail et la vie personnelle, c’est la chose qui fait qu’on est capable de donner plus, et avec la technologie c’est possible.

5. À quoi ressemble votre quotidien, entre des hôtels (presque) vides et une maison pleine!?

Je travaille de la maison comme beaucoup de gens. Si vous posiez la question à ma dernière fille qui a 9 ans, elle vous dirait : « maman ne porte plus tout le temps des vestons, maman ne vit plus dans sa valise, maman a transformé la table à manger en bureau, puis elle fait des vidéos conférences sur son laptop ou tablette ». Quand elle se réveille, maman est à la table, elle revient de l’école, maman est toujours à la table!

La période rend nos emplois plus complexes, car les équipes dans les hôtels travaillent beaucoup plus fort pour convertir en nuitées, qu’on compte maintenant à l’unité. Avant, lorsqu’on faisait la gestion, on voyait la demande entrer en millier de nuitées pour le Canada sur une base hebdomadaire, maintenant on si regarde le marché du Grand Montréal et on voit parfois des réservations journalières à la dizaine seulement. On doit travailler beaucoup plus fort, pour des plus petits résultats, c’est ça qui fait que notre travail est complexe.

On accompagne nos franchisés et nos directeurs du mieux qu’on peut pour vraiment leur passer notre connaissance. Nous sommes solidaires tous ensemble pour essayer de prendre toutes les opportunités.

Retrouvez-nous mercredi pour la suite de cette entrevue. On parlera de la santé financière du groupe, des projets et projections. Puis dans le troisième épisode de cette série, nous aborderons les conditions d’isolement offertes pour les voyageurs par IHG et de l’impact de cette mesure pour les hôteliers et leur image.