Les touristes avides de réalité, pour ou contre?

Se mettre dans la peau d’un détenu, d’un clandestin mexicain ou encore visiter Tchernobyl… Des expériences qui attirent des curieux avides de « réalité ».

Passer une nuit derrière les barreaux à Trois-Rivières
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Visite expérience de la vieille prison des « Trois-Rivières ». CULTUREPOP

Fiche d’incarcération avec empreintes digitales et photo, chemise de prisonnier remise sur place et direction la cellule… A la Vieille Prison de « Trois-rivières », le plus ancien centre pénitentiaire du Canada, désaffecté depuis 1986, il est possible de passer une nuit sous les verrous. Moyennant 40 euros. Construit en 1815, mis en chantier en 1822, très vite insalubre, l’établissement, prévu pour recevoir 40 détenus, en a abrité jusqu’à plus de cent dans des conditions très difficiles qu’évoquent les « gardiens », dont certains sont d’anciens détenus. Classé monument historique, il accueille aujourd’hui des touristes pour des visites classiques et cette expérience hors norme appelée « Sentence d’une nuit ». Après son incarcération donc, le touriste est emmené dans une cellule qu’il partage avec d’autres « détenus ». Il déguste la nourriture de la prison, est réveillé la nuit pour un contrôle de routine, et doit faire le ménage de sa cellule avant de partir le lendemain. A sa sortie, il lui sera remis une fiche avec l’inscription « libéré ». Toute peine supérieure à une nuit est exclue.

Devenir un clandestin mexicain à la frontière américaine
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Du côté mexicain de la frontière, près de Tijuana, le 8 mai 2016. GUILLERMO ARIAS / AFP

« Abajo ! Rapido ! ». D’un coup, tout le monde s’accroupit. De la route parvient le hurlement de la sirène de la « migra », la brigade d’immigration américaine. Un haut-parleur résonne :

« Mexicains, rendez-vous ! Votre pays n’est pas loin ! Nous pouvons encore vous y ramener. » Tout le monde a peur… Sauf que personne ne risque rien. Dans le « parque Eco Alberto », un parc de loisirs créé en 2004 par la tribu indienne des Nanhu près d’Ixmiquilpan, à trois heures de route de Mexico, on peut jouer à passer pour de faux la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Faux flics, faux trafiquants de drogue mais vrai franchissement d’une rivière et vraie reptation dans des canalisations censées déboucher vers l’eldorado yankee.

La « caminata nocturna », qui a lieu tous les vendredis soirs, est un succès : 50 000 touristes ont joué au « wetback » – l’émigré mexicain – en 2015. Copie ludique d’un réel douloureux, l’expérience est jugée obscène par beaucoup. « En mettant les gens dans la situation des clandestins, nous leur faisons toucher du doigt ce qu’ils subissent », tente de justifier Maximino Garcia Martin, l’un des responsables de l’endroit. Sauf que ses clients sont pour la plupart des bourgeois de Mexico qui ont peu de chances de se trouver un jour confrontés à l’expérience « pour de vrai ».

Errer dans la ville fantôme de Tchernobyl
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Le parc d’attraction de la ville fantôme de Prypiat, non loin de Tchernobyl, le 28 mars 2016. GLEB GARANICH / REUTERS

Trente ans après la catastrophe du 26 avril 1986, une zone de 2 000 km (soit l’équivalent du Luxembourg), est toujours interdite au public et fermée par des barbelés. Ceux qui veulent se rendre sur le lieu du drame ont quand même la possibilité de prendre un bus touristique et de passer quelques heures dans la ville aujourd’hui fantôme de Prypiat, la plus proche de la centrale, à l’époque cité modèle du socialisme. Prypiat mit vingt-quatre heures à être évacuée. Un parc d’attractions devait y être inauguré le 1er mai 1986, et sa grande roue, qui n’a jamais servi, est le lieu le plus connu du site. On visite aussi quelques villages abandonnés, et on aperçoit, à 300 mètres de distance, le sarcophage construit sur le réacteur 4, celui qui a brûlé. On déjeune dans une cantine de la ville de Tchernobyl. La visite est souvent guidée par d’anciens habitants ou des employés de la centrale. Elle est très propagandiste et rassurante, et il n’est bien sûr pas question de s’éloigner du groupe. Des vêtements antiradiation sont fournis. Il est conseillé d’avoir un dosimètre pour mesurer les radiations…

(Source: lemonde)